[Des plumes et moi] Entretien avec Elijaah Lebaron

Elle s’est faite attendre, j’ai bien cru que je ne l’aurais jamais avant de mettre le blog en mode vacances, et finalement elle est arrivée dans ma boîte mail. Elijaah a bien répondu à toutes mes questions et avec détails et précisions qu’on appréciera tous ! Merci beaucoup Elijaah et merci à tous les auteurs qui ont bien voulu répondre à mes interviews. Je fais une pause pour les entretiens mais ils reviendront courant septembre pour une nouvelle saison ! Sur ce, je laisse la parole à Elijaah Lebaron pour nous parler de ses écrits mais aussi de ses lectures.


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    Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Bonjour, je m’appelle Elijaah Lebaron. J’ai 52 ans et je suis un romancier débutant spécialisé dans la Science-Fiction.

 

  • Que représente l’écriture pour vous ?

J’ai pour habitude de coucher sur papier mes idées. Dessins, concepts, meubles, histoires… C’est pour moi une forme de relaxation. Une manière de rendre concrètes les créations de mon esprit. Un moyen de figer les fondations de mes rêves avant de les approfondir pour les pousser plus loin. Je dessine, je peins, je compose, je fabrique, je suis un artisan versatile et multimédia. Mais l’écriture dépasse pour moi la portée de toutes les formes d’art. Elle est à l’origine de la plupart des créations les plus intelligentes et les plus spectaculaires de notre terre. Avec un crayon et du papier, vous pouvez concevoir des mondes, des univers, des énigmes insondables ou des réponses à tous les mystères. S’il est un moyen pour l’Homme de devenir un Dieu, c’est assurément avec l’écriture. Umberto Eco disait : « Si Dieu existait, il serait une bibliothèque. » Il avait raison. C’est d’ailleurs l’une des idées que j’ai reprise dans Personaé lorsque j’ai créé le dieu des bardes.

 

  • Depuis quand écrivez-vous ?

J’écris depuis l’âge de 23 ans. J’ai longtemps écrit uniquement pour mon propre plaisir des morceaux d’histoires et des nouvelles. Je dois vous avouer que si je me satisfaisais personnellement de ces exutoires littéraires, je savais également que leur qualité n’était pas bonne. Mes idées de roman étaient complexes et spectaculaires, mais mon style était déficient, et mon orthographe approximative. Mes auteurs préférés à quelques exceptions près maniaient avec virtuosité une narration qui me semblait hors de portée de mes modestes moyens jusqu’au moment ou j’ai fait connaissance avec l’autoédition.

Le premier opus autoédité que j’ai lu c’est le fameux Jésus contre Hitler de Neil Jomunsi. Attiré par le côté extrémiste du titre et le prix modique de l’ouvrage je décide de le télécharger sur ma liseuse neuve pour voir comment l’auteur (que j’imagine Américain) peut arriver à exploiter un tel casting. Comme le titre peut vous le faire supposer, l’histoire écrite par Neil est loin d’être un modèle de crédibilité absolue. Elle décrit un joyeux foutoir de personnages extrait de la littérature populaire anglo-saxonne vivant des aventures spectaculaires et humoristiques. Malgré l’énormité des histoires évoquées, l’auteur s’en tire avec une écriture simple, efficace, nerveuse, volontaire, qui fait de cet ouvrage un véritable régal littéraire. Sans faire des effets de style ni de la poésie recherchée, Neil vous met une claque monstrueuse qui vous laisse sans voix. Ce fut pour moi un déclic… Oui, il est possible de coucher sur le papier des histoires immenses et complexes comme celles qui hantent mon esprit en essayant de rechercher une écriture simple (comme celle d’Isaac Asimov, un de mes auteurs préférés). C’est comme cela que j’ai décidé de faire mon « coming-out » comme romancier et de me mettre à écrire sérieusement il y a environ deux ans.

  • Pouvez-vous nous parler de vos publications ?

jaquette_v2_starlightJ’ai rédigé une fanfiction basée sur l’univers de Dune de Frank Herbert : DUNE, la naissance d’un rêve. Distribuée gratuitement.

L’histoire : Vous croyez tout savoir sur Dune, le premier roman de la saga, mais il reste encore quelques mystères à élucider. Comment un planètologiste nommé par l’Empereur a-t-il pu survivre à sa première rencontre dans le désert avec les Fremen ? Comment cet homme un peu allumé, obnubilé par ses thèses scientifiques, a-t-il pu trouver les mots justes pour convaincre le peuple le plus dangereux et imprévisible de l’univers connu ? Comment a-t-il pu faire naître dans le cœur de toute une ethnie un rêve suffisamment grand pour l’entraîner dans un projet de 500 ans ? Suivez dans cette nouvelle Pardot Kynes lors de son premier voyage dans le désert d’Arrakis en tête à tête avec l’assassin qui doit l’abattre. Et découvrez des réponses crédibles à de nombreuses questions que Frank Herbert a laissées en suspens…

PersonaeJe suis en train d’achever la correction et réécriture de PERSONAE : L’éducation du scribe mon premier roman. Pour faire patienter mes lecteurs, je propose en exclusivité sur Amazon depuis le 19 juin un petit livre rassemblant les cinq premiers chapitres de l’histoire sous l’appellation « Premières pages ». Le roman complet devrait sortir aux alentours d’octobre 2017.

L’histoire : La magie est de retour sur les terres d’Esper et de nouveau les luttes de pouvoir vont s’accélérer entre les Hommes et les Dieux. Suivez les aventures de Devalin, un jeune Scribe pouvant invoquer avec son grimoire les sorts magiques les plus puissants. Sophyan, une femme forte et sans pitié portée par sa foi dans la poursuite de sa mission au sein des Chevaliers Saints. Enguerrand le doyen et maître des Bardes-Guerriers du Premier Ordre engagé dans une lutte acharnée avec les Dieux. Marilian, une Alchimiste amoureuse de l’homme le plus recherché d’Esper. Humbeco le gardien de la culture et de l’histoire qui se bat pour sauver une humanité mise en danger d’extinction par Personaé la plus traîtresse des déesses.

 

  • Comment se déroule votre processus d’écriture ? Avez-vous un plan défini ou laissez-vous guider par votre plume au fil de l’histoire ?


Je fais partie des architectes de la littérature. J’utilise un dérivé de « l’écriture en flocon » (http://espacescomprises.com/la-methode-dite-du-flocon-expliquee-et-illustree-prologue/). Je définis les grandes lignes de l’histoire et je la découpe ensuite sous forme de scènes ou de chapitre. Je travaille la psychologie de mes personnages pour qu’ils soient crédibles dans leurs décisions, leurs actions. Ils me réservent parfois des surprises, mais ils sont en général au service de la narration et non l’inverse.

Ma méthode n’est pas encore totalement figée, mais j’essaie de travailler globalement mes histoires selon plusieurs dimensions croisées. Les personnages doivent évoluer, leurs sentiments également. Mon roman doit aborder des questions philosophiques, dénoncer des comportements, posséder un background culturel… J’utilise pour chacun de mes chapitres une check-list qui me permet de ne rien oublier, actions, descriptions des protagonistes, des décors, émotions ressenties… Je travaille aussi ma narration en pensant intimement au lecteur. C’est le personnage principal de mon histoire. Je définis pour chaque scène ce qu’il doit éprouver. Le début du chapitre doit éveiller son intérêt, je dois le surprendre, l’impliquer émotionnellement et la fin doit faire rebondir la narration pour le motiver à lire la suite.

  • Quels sont vos projets d’écriture à venir ?

Après la sortie de Personaé, je vais embrayer sur l’écriture de L’Âme du temps un roman que j’espère finir début 2018. C’est une œuvre de science-fiction que j’ai commencé à rédiger il y a presque 30 ans dont on m’a volé le manuscrit il y a des années.

L’histoire : 2063 pour le centenaire de sa mort un scientifique ressuscite John Fitzgerald Kennedy et lui confie une mission : Enquêter sur son meurtre.

Au programme de ce roman situé dans un futur proche (un peu trop, peut-être) : Eugénisme, dérèglement climatique, disparition du travail, voyage dans le temps et autopsie de l’âme humaine.

  • Êtes-vous un petit ou gros lecteur ? Quelle place tient la lecture dans votre vie ?

Je suis plutôt un gros lecteur. En fait beaucoup moins depuis que je me suis mis à écrire. L’écriture est une activité aussi prenante que chronophage. En plus le fait de passer de l’autre côté du miroir rend mes lectures bien plus compliquées. J’apprécie différemment les romans que je parcoure guettant les figures de style, les descriptions, l’enchaînement des scènes, les solutions trouvées par l’auteur pour faire rebondir le suspens… Du coup ma vitesse de lecture qui était plutôt élevée s’est mise à ralentir de façon très sensible.

  • Avez-vous un livre préféré ?

Dune de Frank Herbert. C’est un roman que j’ai dû parcourir plus de trente fois et que je visite au moins une fois par an. C’est la raison pour laquelle quand j’ai décidé de diffuser mes écrits je me suis frotté à la fanfiction. Pour ceux qui aiment la SF, Frank Herbert est un génie. Ce n’est pas facile d’arriver à s’approcher du maître sans faire une pâle copie, surtout pour un écrivain débutant comme moi. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’aborder des thèmes proches de son univers sans entrer complètement dans son cadre. Les faits étaient définis dans une annexe du premier roman, mais je pouvais l’utiliser pour travailler autour des « non-dits » de l’œuvre originale. Frank Herbert est un auteur qui aime cacher des pans entiers de ses histoires derrière quelques indices, laissant ses admirateurs les plus perspicaces rassembler les morceaux. Néanmoins après des dizaines de lectures on peut se rendre compte que quelques questions sont toujours en suspens. J’ai juste tenté d’y apporter des réponses crédibles et respectueuses de l’œuvre originale.

La naissance d’un rêve n’est que ma première incursion dans ce roman. J’ai pour projet d’écrire une autre nouvelle ou j’interviendrais personnellement dans l’histoire. Une « autofiction », ce genre cher à Amélie Nothomb ou je croiserais à la fois la famille Atréides et Frank Herbert

  • Quels sont vos auteurs préférés ?

Je suis avant tout un admirateur des chefs d’œuvre de la Science Fiction de l’âge d’or. Les romans écrits par Isaac Asimov, AE Van Vogt, Philip José Farmer, Clifford D Simak et bien évidemment Frank Herbert. Toujours du côté de la SF je me suis mis à lire des auteurs un peu plus récents comme Orson Scott Card, Dan Simmons, Richard Morgan, Peter F Hamilton,…

Je suis aussi un amateur assidu des épopées médiévales fantasy narrées par JRR Tolkien, Michael Moorcock, Georges RR Martin, Roger Zelazny ou Terry Goodkind.

Cet amour bilatéral pour ces deux littératures de l’imaginaire au style opposé m’a poussé à écrire Personaé, un roman, un univers qui serait changeant selon le point de vue du lecteur. Selon l’éclairage, il pourrait parcourir une histoire de Fantasy ou une œuvre de Science-fiction. Lire mon histoire une première fois comme de la fantaisie médiévale, puis une seconde fois comme de la SF. C’est le challenge que j’ai accepté. Je joue avec les perceptions de mes lecteurs et sème des indices qui pourront être traduits de façon différente à la seconde lecture une fois que je lui aurais donné les clefs de mon histoire dans les derniers chapitres.

Aujourd’hui je me suis également mis à lire des confrères auteur indépendants qui pratiquent des styles bien plus populaires et faciles à lire que le mien. Ce n’est pas une critique, c’est juste le constat que mes écrits, bien que volontairement simplifiés, ne livrent pas facilement leurs secrets et leur contenu au lecteur sans un engagement personnel. Le style de Frank Herbert m’a toujours influencé. Un livre « jeunesse » ou une « romance » sont plus facilement identifiables et compréhensibles. Ils correspondent à un public bien plus large que celui de la SF. Je me suis donc mis à lire des styles littéraires auxquels je ne suis pas habitué et j’y ai trouvé quelques trésors. Si vous voulez savoir lesquels n’hésitez pas à me suivre sur Twitter.

  • Quels livres ou auteurs vous ont donné le goût de la lecture ?

Quand j’étais jeune, il était de bon ton de donner le goût de la lecture aux enfants en leur achetant des livres de la bibliothèque rose, pour les plus petits ou verte pour les plus grands. Ces livres simplistes et infantilisants m’ont presque dégoûté de la lecture qui était loin d’être mon passe-temps favori.

Et puis un jour je me suis fait mal au sport à l’école et j’ai dû rester à la maison pour quelques semaines. Ne sachant que faire, j’ai emprunté à mes parents un livre de leur bibliothèque. C’était un de ces livres de SF bon marché édités par Fleuve Noir dans sa collection « Anticipation », plus communément appelée « littérature de quai de gare » (à l’époque ou les smartphones n’existaient pas, les livres étaient le meilleur moyen d’égayer un voyage en train de quelques heures). Je ne me rappelle plus de quel auteur il s’agissait (Maurice Limat ou Jimmy Guieu), mais ce fut une révélation. À la fin de ces vacances forcées, j’avais lu au moins une trentaine d’ouvrages du même genre. J’ai appris plus tard à faire la différence entre une véritable œuvre de science-fiction avec du contenu et un western-spatial (ou un Pulp) créé uniquement pour délasser le public.

  • Quel livre auriez-vous aimé écrire ?

Dune de Frank Herbert. OK c’est la troisième fois que j’en parle, mais c’est presque ma bible.

Plus récemment, j’aurais voulu écrire Carbone modifié de Richard Morgan. C’est loin d’être le « livre univers » de Frank Herbert, ou la Fondation de Isaac Asimov, mais les aventures de Takeshi Kovacs sont loin d’être aussi décérébrées qu’il n’y paraît. Et cette idée de transport spatial par échange de corps est absolument brillante et les problématiques qui s’y rattachent sont du niveau de Ghost in the shell tout en étant plus abordables pour notre psychologie occidentale.

  • Un petit mot pour la fin ?

La science-fiction n’est pas un style qui se résume aux dystopies capilotractées, aux robots, aux extraterrestres et au space-opéra, on peut aussi y croiser des chevaliers en armure médiévale à vapeur et des livres philosophiques qui parlent d’hommes isolés sur une planète déserte perdue au fin fond de la galaxie. Certes c’est un genre qui peut se révéler difficile à lire et qui semble réservé à une élite capable de comprendre les messages cachés entre les lignes (si vous croisiez quelques spécimens que j’ai pu rencontrer dans ma vie, vous en seriez convaincus), mais la récompense destinée à ses lecteurs est à la hauteur de son apparente complexité.

Croyez-moi, la science-fiction vous rendra plus intelligent et sauvera notre humanité de l’extinction. Pour cela, il vous suffit de lire…

Entretien réalisé en juin 2017.

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