Premières lignes #111

Bonjour les amis !

Encore une semaine de travail qui s’achève… Le temps passe mais je ne sais pas pour vous mais même en n’étant pas vraiment confinée, je trouve qu’il y a comme une étrange atmosphère… C’est trop calme, plus assez vivant à l’extérieur, comme si le temps était suspendu alors qu’il continue bien sa course.

Du temps, les personnages du livre que je vous ai choisi, ont décidé de le compter. Les vieux du roman d’Anne-Lise Besnier ont, en effet, décidé de mettre un terme à leur vie, en choisissant le jour et le lieu. Hors de question de mourir sur les toilettes comme leur ami Lucien…

Bon vendredi en compagnie de l’incipit de Les vieux qui se faisaient la malle !


1

Lucien FLECHET
02/12/1948 – 17/06/2019

– C’est bien triste.
Nono venait de servir son troisième demi à Gilbert. Et, à chaque verre posé sur le comptoir, il avait dit la même chose.
– C’est bien triste.
Tout le monde avait hoché la tête. Rien à ajouter.
On était le 21 juin et, dans le bar de Richelieu, personne ne fêtait l’été. On venait d’enterrer Lucien. Lucien Fléchet, agent d’entretien depuis plus de trente ans dans l’unique lycée de la ville. Etaient présents sa femme, son fils, quelques cousins et ses copains. Les quatre loustics toujours là pour lui, comme il les appelait. Quatre copains sans lui maintenant.
– C’est bien triste.
Quatrième demi pour Gilbert.
– Prends-en un entier la prochaine fois, ironisa Edith, sa femme, avant de le laisser cuver son chagrin tranquille.
Jacques, lui, avait délaissé sa bière habituelle pour du whisky.
– Pourquoi tu bois ça, toi ? T’en bois jamais, demanda Gilbert.
Jacques grimaça.
– Non, et je déteste ça, mais Lucien en buvait… C’est mon humble façon de lui rendre hommage.
– C’est bien triste, répondit Gilbert.
Non approuva. Tiens, Gilbert lisait dans ses pensées.
Ceux qui avaient de la route, qui avaient les enfants à doucher, le repas à préparer quittèrent le bar. La fin d’un enterrement, c’est le vrai début de la mort. La même sensation que celle que provoque le claquement de porte chez pépé, quand tout le monde part à la fin d’une fête de famille, laissant le vieux enveloppé dans un silence que les rires avaient momentanément étouffé. Pareil.
Les verres et les « C’est bien triste » continuèrent à claquer sur le zinc. Et les langues se délièrent.
– Mourir sur les chiottes, on n’a pas idée, dit Armand.
– T’es marrant, toi, comme s’il l’avait choisie, sa mort, répondit Gilbert.
– Et juste avant de prendre sa douche en plus…
– C’est peut-être ça le pire… pour lui, j’veux dire.
Gilbert pensa que, lui, le fait de mourir sale, il s’en ficherait.
– Et qui l’a retrouvé déjà ? demanda Armand.

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