Bonjour les amis !
S’il y a bien une chose que j’ai un peu zappé en janvier, ce sont les interviews ! Donc je tente de me ressaisir et de vous présenter deux interviews d’auteurs pour ce mois de février. Autant commencer tout de suite avec l’interview d’une charmante auteure dont j’ai eu le plaisir de lire le premier roman, Un triangle presque parfait. Je parle bien évidemment de Virginie Gossart.
Trêve de blabla, je vous laisse en sa belle compagnie.
Bon samedi !
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Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Optimiste et angoissée, idéaliste mais lucide, étrange et pourtant très rationnelle, calme en apparence, mais en mutation perpétuelle… Je pense que la formule latine « Janus bifrons » (désignant un dieu romain à deux têtes) définit bien mon ambivalence. Mais je crois que j’ai déjà dépassé les « quelques mots »… Et pour revenir à une présentation plus « classique », je suis originaire de la Côte d’Azur, une région à laquelle je suis toujours très attachée, et je vis aujourd’hui à Nîmes, dans le Gard. J’enseigne le français depuis dix-huit ans. J’ai d’abord exercé pendant quinze ans dans un collège classé ZEP. J’en ai retiré une expérience (professionnelle et humaine) très enrichissante. Je suis depuis quatre ans professeur en lycée. J’y enseigne la littérature et le théâtre. Si je suis toujours aussi passionnée par mon métier, mon amour pour la littérature, l’écriture et le cinéma est très ancien et déborde largement le cadre scolaire. Je suis également rédactrice de chroniques pour un site culturel (« La Grande Parade ») où je me consacre essentiellement aux arts vivants et à la musique. J’éprouve une curiosité insatiable pour toutes les formes d’art, et je n’ai jamais assez de temps dans mes journées pour découvrir de nouveaux horizons culturels.
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Depuis quand écrivez-vous ? Quel a été le déclic ?
Cela va vous sembler très banal, mais j’écris depuis longtemps. Adolescente, je griffonnais des poèmes torturés vaguement inspirés de Baudelaire et Rimbaud sur des cahiers et je m’amusais à écrire des récits à quatre mains, plutôt absurdes et parodiques, avec des amis proches. Plus tard, j’ai tenu des journaux intimes. Écrire a toujours été pour moi une activité essentielle, sans doute parce qu’elle m’a toujours permis de coucher sur le papier des sentiments, pensées, émotions que je ne pouvais formuler oralement. La dimension thérapeutique – voire cathartique – de l’acte d’écriture m’a toujours semblé prépondérante. Pour moi, c’est une forme de sublimation. Mais pendant très longtemps, je n’ai pas osé faire lire une ligne à qui que ce soit. Cela devait rester une activité secrète et intime. Le désir du regard d’autrui était là, mais la confrontation aux modèles littéraires que j’aimais était pour moi un frein. Mes études universitaires, mon métier d’enseignante, tout cela formait une espèce de plafond de verre qu’il a été difficile de briser. Il n’y a pas eu de réel déclic. Un jour, quelqu’un vous dit qu’il aimerait lire ce que vous écrivez et vous vous sentez suffisamment en confiance pour accepter. C’est alors que vous vous dites : pourquoi pas aller encore plus loin ? C’est un processus long et périlleux car il n’est jamais exempt de doutes et de remises en question, mais je ne regrette pas d’avoir franchi le pas …
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Comment définiriez-vous votre style d’écriture ?
Je crois que c’est un style hybride et complexe, à la croisée des genres, des registres et des styles, justement ! C’est aussi une écriture visuelle et descriptive, assez onirique, et très fortement inspirée par le cinéma et la peinture. Mais la forme me semble ici indissociable du fond. Dans le processus d’écriture de ce roman en particulier, j’ai tenté d’abolir la frontière entre roman de genre et littérature générale, en jouant avec les codes et les limites de genres voisins (bit lit, policier, roman noir, science-fiction, fantastique gothique…). Le texte est également construit autour des voix de plusieurs narrateurs, offrant une multiplicité de points de vue sur la même histoire, jusqu’à créer une sorte de prisme aux facettes changeantes. L’imaginaire et l’étrangeté y sont prépondérants, mais le récit n’en est pas pour autant dénué d’humour et peut parfois prendre un caractère franchement parodique. Il s’agit enfin d’une réflexion sur la création littéraire, ses pouvoirs, ses mensonges, sur la frontière poreuse entre réalité et fiction. Le dispositif narratif tisse le texte de références diverses, qui sont autant de portes ouvertes vers une interprétation possible. Mais le lecteur peut tout aussi bien choisir de ne pas ouvrir ces portes et suivre ce jeu de piste comme il l’entend. Ce qui m’intéressait avant tout dans l’écriture d’Un triangle presque parfait, c’était d’insuffler une dimension transgressive au récit, tout en rendant hommage à la littérature que j’aime.
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Comment vous est venue l’idée d’écrire Un triangle presque parfait ?
Cette histoire a pour point de départ un rêve très étrange que j’ai fait il y a bien longtemps, à une époque où j’avais encore le temps de noter mes songes au petit matin ! Ce n’était alors qu’une trame décousue, comme dans la plupart des rêves, mais elle était suffisamment troublante, intrigante, et sulfureuse, pour déclencher en moi le désir d’en tirer un récit. Cela explique sans doute le caractère fantasmatique de certaines scènes, et la dimension philosophique qui s’est peu à peu greffée à cette histoire. Comme si j’avais essayé de m’expliquer le sens de ce rêve en construisant une intrigue autour de lui, en en faisant le cœur névralgique d’une enquête (et d’une quête) qui pose d’ailleurs bien plus de questions qu’elle ne donne de réponses…
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Un triangle presque parfait est votre premier roman. Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
J’ai plusieurs projets en cours, toujours romanesques : je suis en train de terminer un récit policier assez rocambolesque centré autour d’une amitié fusionnelle entre deux femmes que tout sépare. C’est un texte qui repose sur des effets de surprise et de chute assez déconcertants. L’humour y est très présent, et on retrouve également ce mélange des genres qui caractérise un peu mon style. Je travaille aussi sur un autre projet, qui me prendra sans doute un peu plus de temps. Ce sera un roman centré sur l’introspection d’une héroïne en plein « burn out », qui décide du jour au lendemain et sans prévenir personne, de partir sur une île pour se trouver (ou se retrouver). Le jeu sur les focalisations permettra de donner des éclairages parfois inattendus sur ce personnage en fuite. Toujours dans la même idée de perdre un peu le lecteur (comme j’aime moi-même me perdre dans un roman), d’explorer la part inconsciente de l’individu, la fragilité de son identité, et le caractère souvent trompeur du langage.
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Merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions. Avez-vous un dernier mot pour conclure l’interview ?
Si vous me le permettez, je vais laisser la parole à Marguerite Duras, qui explique bien mieux que moi ce qu’est l’acte d’écriture : « Écrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit. » Merci à vous !
Interview réalisée en février 2019.
Petit bonus, la vidéo de l’émission de Daniel Picouly, Page 19, diffusé sur France Ô le 13 janvier dernier, à laquelle Virginie a participé.